Voilà des extraits Du Contrat social, publié en 1762 par Jean-Jacques Rousseau. L’homme est né libre et partout il es dans les fers. Tel se croit le maître des autres, qui ne laisse pas d’être plus esclave qu’eux. Comment ce changement s’est-il fait? Je l’ignore. Qu’est-ce qui peut le rendre légitime? Je crois pouvoir résoudre cette question. Si je ne considérais que la force, et l’effet qui en dérive, je dirais: tant qu’un Peuple est contraint d’obéit, il fait bien; sitôt qu’il peut secouer le joug, et qu’il le secoue, il fait encore mieux; car, recouvrant sa liberté par le même droit qui la lui a ravie, ou il est fondé à la reprendre, ou on ne l’était point à la lui ôter. Mais l’ordre social est un droit sacré qui sert de base à tous les autres. Cependant ce droit ne vient point de la nature; il est donc fondé sur des conventions…
A prendre le terme ans la rigueur de l’acception, il n’a jamais existé de véritable Démocratie, et il n’en existera jamais. Il est contre l’orde naturel que le grand nombre gouverne et que le petit soit gouverné… D’ailleurs, que de choses difficiles à réunir ne suppose pas ce Gouvernement! Premièrement un Etat très petit où le peuple soit facile à rassembler et où chaque citoyen puisse aisément connaître tous les autres; secondement, une grande simplicité de mœurs qui prévienne la multitude d’affaires et les discussions épineuses; ensuit beaucoup d’égalité dans les rangs et dans les fortunes, sans quoi l’égalité ne saurait subsister longtemps dans les droits et l’autorité; enfin peu ou point de luxe, car le luxe est l’effet des richesses, ou il les rends nécessaires; il corrompt à la fois le riche et le pauvre, l’un par la possession, l’autre par la convoitise;… Ajoutons qu’il n’y a pas de Gouvernement si sujet aux guerres civiles et aux agitations intestines que le Démocratique ou populaire, parce qu’il n’y en a aucun qui tende si fortement et si continuellement à changer de forme, ni qui demande plus de vigilance et de courage pour être maintenu…. S’il y avait un peuple de Dieux, il se gouvernerait démocratiquement. Un Gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes.